En 1873, la Savage, Lyman & Co. occupe depuis un an un magnifique immeuble situé au 230 de la rue Saint-Jacques (aujourd’hui le 380-384, Saint-Jacques). Cette bijouterie est reconnue pour son large éventail de marchandises; montres, horloges, argenterie et bijoux sont offerts à une clientèle généralement bien nantie. Souvent importés d’Europe, ces articles de luxe font la fierté des propriétaires qui veulent établir la réputation de leur maison à la fois sur la variété des produits et sur la qualité de leur service. Novatrice dans son approche commerciale, la Savage, Lyman & Co. réussit à attirer sa clientèle non seulement par la magnificence de ses étalages, mais aussi, de manière originale, grâce à l’installation d’une grosse horloge sur la devanture extérieure du magasin.
La bijouterie-horlogerie fut fondée en 1818 par George Savage qui s’associait à son fils Joseph pour former la firme George Savage & Son. Ils s’installaient alors au coin des rues Saint-Pierre et Notre-Dame. En 1826, le commerce fut déménagé sur la rue Saint-Paul, près de l’église de l’Hôtel-Dieu (aujourd’hui le secteur des magasins de l’Hôtel-Dieu) dans ce qui était à l’époque le centre du commerce de détail à Montréal. Dix ans plus tard, en 1836, George Savage se retirait des affaires, laissant à son fils Joseph la direction du commerce. Celui-ci prit rapidement la décision de déménager à nouveau la bijouterie qui revint, en 1838, sur la rue Notre-Dame au coin de la rue Saint-Gabriel.
En 1851, Joseph Savage s’associait à Theodore Lyman pour former la Savage & Lyman. La bijouterie entamait alors des années fastes. Les deux associés, jugeant les locaux de la rue Notre-Dame trop exigus, choisirent, à la fin des années 1850, d’aménager dans les nouveaux bâtiments du Cathedral Block situés sur la rue Notre-Dame entre les rues Saint-Sulpice et Saint-Laurent. En 1868, deux nouveaux associés se greffèrent à l’entreprise, messieurs Charles R. Hagar et Henry Birks. La Savage & Lyman devenait la Savage, Lyman & Co. On croyait que les grands locaux de la rue Notre-Dame seraient suffisants pour les besoins du commerce, mais le développement rapide de Montréal lié à la croissance économique se conjugua à la bonne réputation de la bijouterie-horlogerie pour forcer les associés à faire le constat que les espaces occupés depuis plus d’une dizaine d’années étaient devenus trop restreints. En 1872, la Savage, Lyman & Co signa un bail avec Joseph Tiffin, propriétaire du 230 de la rue Saint-Jacques et s’engageait à aménager à ses frais l’intérieur du bâtiment pour y installer sa bijouterie. Cette dernière ouvrit ses portes le 1er novembre 1872 et la richesse de l’aménagement intérieur (comptoirs, planchers, boiseries) fit l’envie de plusieurs. La bijouterie trouvait enfin, après cinq déménagements en 50 ans, une niche à la hauteur de sa réputation.
Le règne de la magnifique bijouterie Savage, Lyman & Co. sera cependant de courte durée. Les importantes dépenses encourues pour l’aménagement de l’immeuble et la crise économique des années 1872-1873 auront raison de la stabilité financière de l’entreprise. En 1877 la bijouterie déclarera faillite. Ses actifs seront repris par un des associés, Henry Birks, qui aménagera dans un modeste immeuble de la rue Saint-Jacques entre les rues Dollard et Saint-Pierre. La bijouterie de Henry Birks quittera le Vieux-Montréal en 1894 et s’installera dans ce qui deviendra le nouveau centre du commerce de détail à Montréal, la rue Sainte-Catherine.
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