La turbulente année 1849 est particulièrement difficile pour le libraire Édouard-Raymond Fabre alors maire de Montréal. Élu conseiller pour la première fois en 1848, il réussit, comme président du comité des finances, à réduire la dette municipale. Il gagne ainsi la confiance des autres conseillers municipaux desquels relève l'élection du maire. Le marasme commercial et les conséquences de l'incendie du parlement provoquent une agitation sociale sans précédent durant les premiers mois de son mandat, commencé en mars 1849. Certaines personnes critiquent Fabre pour son incapacité à enrayer les émeutes qui éclatent presque quotidiennement, initiées par les Tories ou des groupes revendiquant des diminutions de taxe. Fabre se considère néanmoins comme le seul capable de faire contrepoids au manque d'action du gouvernement de la province : « un mot inconsidéré de ma part, le moindre faux pas pouvait compromettre le sort de la ville et amener la guerre non civile, mais de race ». En plus de ces désordres, le choléra s'annonce dans la ville, et Fabre, en tant que président du Bureau de santé, visite les deux hôpitaux ouverts pour soigner les victimes. Si pendant toute cette agitation, Fabre est à son poste « jour et nuit », un retour au calme lui permet de veiller aux affaires de sa librairie – « aussi beau qu'aucun des magasins de livres que l'on voyent [sic] à Paris » – située rue Saint-Vincent quelques portes au sud de la rue Notre-Dame. Il tente aussi de se reposer avec son épouse Luce Perrault dans le confort de leur maison à l'angle nord-ouest des rues Craig (actuellement Saint-Antoine) et Saint-Laurent, entourés de quatre domestiques.
Né dans une famille de modestes artisans, Fabre reçut une formation scolaire au Petit Séminaire de Montréal avant de devenir commis, à l'âge 14 ans, à la quincaillerie Webster. Pendant neuf ans, il y fit son apprentissage du commerce avant de se lancer dans une nouvelle carrière. Hector Bossange, fils d'un libraire parisien, est venu à Montréal en 1815 pour ouvrir une succursale; et avant son retour en France en 1819, il épousa la sœur d'Édouard-Raymond. Trois ans plus tard, ce dernier traversa à son tour en France pour apprendre le métier de libraire chez Bossange à Paris.
De retour à Montréal en 1823, il acquit la librairie Dufort, ancienne librairie fondée par son beau-frère, et en 1826, bien établi en affaires, il épousa Luce Perrault. Pendant cinq ans, Fabre maintint un lien privilégié avec la maison Bossange, mais le lien fut rompu lorsqu'il choisit de s'associer à l'imprimeur Louis Perrault, son beau-frère. La nouvelle maison Fabre et Perrault s'installa dès 1830 sur la rue Notre-Dame à deux portes de la place Jacques-Cartier et s'occupa non seulement de la vente de livres, portant surtout sur des sujets religieux (manuels de piété et de dévotions) et pédagogiques (grammaires), mais veilla aussi à l'édition d'au moins cinq titres annuellement, de la reliure de livres de compte et de registres et de la vente de papiers peints, de journaux et d'objets de culte. La société fut dissoute en 1835; Fabre poursuivit ses affaires seul jusqu'en 1844 alors qu'il s'associa à son neveu, Jean-Adolphe Grave.
Vers 1827, Fabre commença à tisser des liens avec les Patriotes. Pendant les années 1830, la librairie de Fabre, déménagée sur la rue Saint-Vincent vers 1835, constitua, selon Jean-Louis Roy, « le rendez-vous par excellence de l'élite nationaliste ... le centre permanent du groupe patriote de Montréal ». Ses activités d'appui à la cause des Patriotes l'amenèrent à participer à la création de plusieurs organisations : la Maison canadienne de commerce, la Banque du Peuple et l'Union patriotique. En aidant financièrement le journal La Minerveet en acquérant, en 1832, le journal Vindicator and Canadian Advertiser, il assurait la diffusion des idées des Patriotes pendant la décennie de 1830. Après le début des affrontements en 1837, il se réfugia à la campagne avant d'être arrêté et emprisonné pendant un mois à la fin de 1838. Au début des années 1840, il fit campagne pour le retour des Patriotes exilés, surtout celui de son grand ami, Louis-Joseph Papineau.
Pendant que Fabre s'occupait de son commerce et de politique, son épouse Luce prit en charge l'éducation de leurs enfants et prépara des réceptions pour divers invités. La descendance du couple Perrault-Fabre sera célèbre : un deviendra le premier archevêque de Montréal, un autre sera le premier délégué du Canada à Paris, tandis que leur fille Hortense épousera George-Étienne Cartier. En plus de ses responsabilités domestiques, Luce s'associa à d'autres femmes bourgeoises et catholiques afin de faire la promotion d'œuvres charitables. La Société des dames de la charité créa l'Orphelinat catholique de Montréal en 1832, et fonda l'Asile de la Providence pour les femmes âgées et infirmes au début des années 1840.
Fabre remplira un dernier mandat comme maire en 1850. Candidat à la mairie en 1854, il sera défait par Wolfred Nelson, ce dernier recevant l'appui du gendre de Fabre, George-Étienne Cartier. Quelques mois après la fin de cette très mouvementée campagne électorale, Fabre sera atteint du choléra et décédera. |