Vers février 1681, des vaisseaux du Canada arrivent en France transportant un mémoire de l'intendant Duchesneau. Parmi les sujets traités, Jean-Marie Perrot, le gouverneur de Montréal, fait l'objet d'accusations particulièrement sévères. Selon le rapport de l'intendant, « il y a de grandes pleintes contre ledit Sr. Perrot tant pour sa conduitte villene que pour son commerce publicq, on l'accuse d'avoir mesme excité une sedition à Montréal ». À Montréal, Perrot n'est pas ennuyé par ce courrier et maintient à Montréal un gouvernement arbitraire, protégé par le gouverneur Louis Buade de Frontenac. Il a conclu avec ce dernier une alliance visant à favoriser leur activité illicite dans la traite des fourrures. Quiconque proteste contre Perrot et sa façon d'accaparer le commerce des fourrures est battu par ses gardes ou jeté en prison sans autre forme de procès. Durant cette période, on estime que Perrot réalise un profit de dizaines de milliers de livres. Grâce à ses gains illicites, il se fait construire une grande maison sur un terrain de l'ancienne commune qu'il s'est fait concédé par les seigneurs (côté sud de la rue Saint-Paul est, entre les rues Saint-Nicolas et Saint-Éloi). Mais entre-temps il réside dans une maison louée, sans doute proche de la place du Marché (place Royale) afin de surveiller ce qui se passe au cœur de la ville.
Capitaine au régiment de Picardie, Perrot fut nommé gouverneur de Montréal en 1670 à la suite de son mariage avec Madeleine Laguide Meynier, la nièce de l'intendant Jean Talon. Les sulpiciens, qui ont nommé Perrot à la suite de la recommandation de Talon, entretenaient de grands espoirs au sujet du nouveau gouverneur. Ils mesureront cependant l'ampleur de leur erreur durant plus d'une décennie. En Nouvelle-France, Perrot se tenait à distance de ses créanciers et dès 1672, il devenait seigneur de l'île située au confluent de la rivière des Outaouais et du Saint-Laurent, île qui portera dès lors son nom. Il y établissait un comptoir de traite en dépit de tous les règlements royaux interdisant de telles entreprises. Comme gouverneur de Montréal, Perrot recevait un salaire de 1900 livres et avait le commandement d'une garnison rudimentaire de six soldats qu'il n'hésitait pas à utiliser pour réduire l'opposition au silence. Ce salaire ne suffisait cependant pas à cet administrateur avare, c'est pourquoi il s'est tourné vers le commerce des fourrures. Lorsque Frontenac établit un poste de traite au lac Ontario (fort Frontenac, actuellement Kingston) en 1673, Perrot, offensé, se rapprocha des marchands de Montréal afin de protester contre cette menace au commerce montréalais. Pour étouffer cette résistance, Frontenac faisait arrêter Perrot, mais ce dernier fit appel au roi et fut réintégré dans ses fonctions. Dès son retour en Nouvelle-France en 1674, il concluait une entente avec Frontenac et les deux hommes devenaient complices dans le commerce illicite.
À la suite d'une multiplication des plaintes, le roi décidera en 1682 de démettre Perrot et Frontenac de leurs fonctions. Le nouveau gouverneur de la colonie, Lefebvre de La Barre, qui s'impliquera aussi dans le commerce illégal dès son arrivée en Nouvelle-France, protégera Perrot pendant encore une année. En 1683, le ministre privera cependant Perrot de ses pouvoirs et fera planer la menace d'un rappel en France s'il n'améliorait pas ses rapports avec les seigneurs de Montréal. Louis-Hector de Callière le remplacera comme gouverneur de Montréal en 1684 et Perrot deviendra gouverneur de l'Acadie. Une fois installé à Port-Royal en Acadie, il se conduira exactement comme à Montréal, en cherchant à y monopoliser le commerce des fourrures. Démis de ses fonctions en 1687, il restera à Port-Royal jusqu'en 1690, lorsqu'il sera capturé et torturé par des pirates anglais. Ayant retrouvé sa liberté, il vivra à Paris où il décédera en 1691, à 47 ans. |