Au début de 1873, fraîchement installés dans leur nouveau bâtiment du 701 côte de la Place d’Armes, les directeurs canadiens de la Scottish Life Association ont raison d’être fiers. En dix ans, ils ont réussi à se tailler une place dans ce marché si concurrentiel. Cette compagnie d’assurance-vie n’a peut-être que la moitié de la taille de la plus importante société, la Canada Life, mais avec 8% du marché, elle peut rivaliser avec la Phoenix et la Standard Life, deux sociétés britanniques qui font affaire au Canada depuis des décennies.
Les directeurs de la Scottish se croient responsables de ce succès et leur influence ne fait aucun doute : David Torrance, George Moffat, Peter Redpath et J.H.R. Molson sont des noms qui évoquent tout un pan de l’histoire économique de la métropole. Si on ajoute au conseil d’administration un ministre du Revenu, Alexander Morris, et un ministre de la Milice, George-Étienne Cartier, on assure la société d’appuis politiques importants.
Par contre, la formule de mutualité partielle explique davantage le succès de la Scottish Life Association. Selon ce système, les détenteurs d’une police d’assurance-vie partagent les profits de l’entreprise une fois les dividendes versés aux actionnaires. Cette formule attire plus de clients aisés, qui paient des primes plus élevées. La valeur moyenne d’une nouvelle police d’assurance à la Scottish est la plus élevée de l’industrie : elle se chiffre à 100$ de plus qu’à la Phoenix et 300$ de plus qu’à la Standard Life. Mais clientèle aisée est souvent synonyme de clientèle âgée, donc les versements aux bénéficiaires de la Scottish sont aussi très élevés.
La société maintiendra sa présence au Canada jusqu’à la Première Guerre mondiale. Mais elle sera de moins en moins rentable. Durant les années 1880, la croissance des sociétés américaines dont la New York Life mettra littéralement la Scottish à l’ombre. À cette concurrence accrue s’ajoutera l’étonnant succès de la Sun Life, un succès bâti, en partie, sur sa capacité d’adapter le système de mutualité partielle aux besoins des classes moyennes. |