Le procédé de vulcanisation constitue la plus importante innovation technologique de la seconde moitié du XIXe siècle dans le secteur de la transformation du caoutchouc : elle permet une meilleure maîtrise de la matière brute tirée du hevea brasiliensis et de multiples produits peuvent désormais être fabriqués. Les chaussures de cuir peuvent être protégées des affres de la pluie et de la neige grâce à des couvre-chaussures en caoutchouc, les boyaux de cuir des pompiers sont remplacés par des boyaux beaucoup plus durables faits de caoutchouc, des courroies, des soupapes de caoutchouc sont utilisées dans les machines à vapeur. La fabrication et le commerce de produits de caoutchouc est donc en pleine expansion.
En 1873, la Canadian Rubber Co., dirigée par Andrew Allan, profite largement de cette expansion. Son imposante manufacture est située à l’angle des rues Papineau et Notre-Dame et les bureaux et magasins occupent des locaux de l’édifice Cassidy’s au 45-83 Saint-Paul ouest. Les marchandises offertes sont variées, mais c'est la gamme de bottes, chaussures et couvre-chaussures de marque Jacques-Cartier qui est la plus recherchée des consommateurs.
En 1854, une dizaine d’année après que le procédé de vulcanisation ait été mis au point aux États-Unis, William Brown, Ashley Hibbard et George Bourn unissaient idées et capitaux pour former la Brown, Hibbard, Bourn & Co., entreprise qui fut à l’origine du plus gros producteur d’articles de caoutchouc au Canada. La compagnie fut rapidement florissante et, après seulement une année d’activités, ses produits se retrouvaient sur les marchés de Toronto, Hamilton, Halifax, Boston et même ceux d’Allemagne et d’Angleterre. D’ailleurs, en 1855, la firme reçut, lors d’une exposition universelle à Paris, un certificat d’excellence pour la qualité de son produit, certificat signé par l’empereur Napoléon III.
Ce succès attira l’attention de grands financiers montréalais. Il est difficile de retracer l’exact déroulement des faits, mais il apparaît qu’en 1863, une nouvelle compagnie, la Canadian Rubber Co. remplaçait la Brown, Hibbard, Bourn & Co. comme propriétaire de la manufacture de caoutchouc. Les dirigeants de la Canadian Rubber Co. étaient alors Joseph Barsalou, Peter S. Murphy et Alfred M. Farley. Ce nouveau trio ne demeura pas longtemps à la tête de l’entreprise et dès 1866, Hugh et Andrew Allan en prenaient le contrôle et la compagnie recevait sa charte fédérale. En 1870, ils installaient leurs bureaux et magasins sur la rue Saint-Paul ouest.
Les années 1880-1900 se dérouleront sous le signe de la croissance non seulement pour la Canadian Rubber Co., mais aussi pour de nombreuses nouvelles firmes de fabrication de caoutchouc au Québec et en Ontario. Le début du XXe siècle sera marqué par d’importants mouvements de rationalisation et de fusion dans plusieurs secteurs de l’économie canadienne; la production d’articles de caoutchouc n’y échappera pas. En 1906, la Canadian Rubber Co. formera, à la suite d’une fusion avec la Granby Rubber Co., la Canadian Consolidated Rubber Co. Quatre mois plus tard, la compagnie annoncera l’acquisition d’un important concurrent, la Maple Leaf Rubber Co. de Toronto. Les acquisitions se poursuivront si bien qu’en 1907, la nouvelle compagnie regroupera six entreprises de fabrication de caoutchouc possédant des usines en Ontario et au Québec. La même année, les deux tiers des actions seront vendues à la United States Rubber Co. qui trouvera ainsi une porte d’entrée sur le marché canadien.
En 1910, la Commercial Rubber Co. de Saint-Jérôme, une composante de la Canadian Consolidated, modifiera son nom pour celui de la Dominion Rubber Co. Peu à peu, le nom de Dominion Rubber s’étendra à toutes les installations canadiennes. Finalement, en 1926, le nom de la Canadian Consolidated Rubber Co. sera officiellement remplacé la Dominion Rubber Co. Ltd.
Dès 1900, la Canadian Rubber Co. quittera les magasins et bureaux de la rue Saint-Paul pour s’installer dans des bureaux plus modernes situés près de l’usine de la rue Papineau.
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