L’édifice Savage and Lyman est construit en 1866-1867 et non en 1871 comme l’indiquent plusieurs sources. En février 1866, Joseph Tiffin père achète le lot 171 de Marie Jeanne Hervieux. Ce lot, ayant front sur la rue Saint-Jacques (à l’époque Great Saint-James) au coin de Dollard, correspond à 60 % de la superficie au sol de l’édifice actuel (dans sa partie avant). Lors de la transaction, on trouve sur le lot 171 un bâtiment de trois étages abritant des logements et des magasins liés au secteur de l’édition. Dans la seconde moitié de l’année 1866, Joseph Tiffin démolit le vieux bâtiment et construit sur la totalité du lot 171 un immeuble commercial de quatre étages. L’architecte est William Tutin Thomas, dont les bureaux se trouvent exactement de l’autre côté de la rue Saint-Jacques.
Adélard Boucher, marchand d’instruments et de feuilles de musique, est le premier locataire répertorié en juin 1867. Les manufacturiers de pianos Gould and Hill Co. et les marchands et manufacturiers de chapeaux, M. Holland & Son, le rejoignent l’année suivante. De 1869 à 1871, les locataires sont le tailleur Samuel Goltman et l’imprimeur Louis Perrault, propriétaire du journal Le Pays. En 1872, ce dernier déménage à côté de la Banque du Peuple, à l’est de la place d’Armes, car en février de la même année, Joseph Tiffin signe un bail avec un nouveau locataire : Savage and Lyman Co. En fait, l’immeuble demeure vide jusqu’en novembre 1872, le temps de procéder à différents travaux : repeindre l’extérieur du bâtiment, enlever le grand escalier intérieur et deux toilettes, nettoyer les murs et les plafonds à l’intérieur et construire une annexe de deux ou trois étages à l’arrière du bâtiment, selon les plans de l’architecte W. T. Thomas (l’observation sur le terrain laisse plutôt supposer une annexe d’un étage). Cet ajout déborde sur la partie nord du lot 170 (pN-170).
En effet, le même mois où il signe le bail avec la Savage and Lyman Co., Joseph Tiffin achète le lot 170 de Marie Karine Hervieux, la sœur de Marie Jeanne. Le lot 170, de forme irrégulière, a front sur la rue Notre-Dame et est adjacent à la rue Dollard et à l’arrière du lot 171. Tiffin morcelle le lot 170 en deux, la partie nord étant dorénavant rattachée au lot 171 et à l’édifice Savage and Lyman. Sur la partie sud du lot 170, Joseph Tiffin fait construire un autre édifice connu aujourd'hui sous le nom de magasin-entrepôt Alexander-Murphy. Le lot pN-170 fait 43 pieds le long de la rue Dollard : 35 pieds sont alloués à l’annexe arrière de l’édifice Savage and Lyman, et huit pieds à un passage commun donnant sur la rue Dollard.
La Savage and Lyman Co. se spécialise depuis 1818 dans la vente de bijoux, montres, horloges et autres produits de luxe. L’entreprise aménage à ses frais l’intérieur de l’édifice de Joseph Tiffin et y ouvre ses portes le 1er novembre 1872. Le nouveau plancher et les majestueux comptoirs font l’envie de plusieurs. La Savage and Lyman Co. occupe environ les trois quarts du bâtiment, le reste étant loué à différents commerçants et professionnels, dont le pharmacien S. Jones Lyman et le juge W. Badgley. Toujours en 1872, la Savage and Lyman Co. installe sur la devanture de l’édifice une horloge qui, bien que déplacée quelques fois, indiquera l'heure sur cette portion de la rue Saint-Jacques pendant près de 100 ans.
La bijouterie fait faillite en 1877, et la New-York Piano Co. (ou ses agents) devient le principal locataire de l’édifice jusqu’à la fin du siècle. Le marchand d’articles de bureau Charles F. Dawson occupe les lieux au tournant du siècle, pour ensuite s’installer pendant 70 ans dans la propriété adjacente de la famille Tiffin, l’édifice Alexander Murphy.
Entre-temps, une saga judiciaire de 20 ans s’engage entre les héritiers de Joseph Tiffin, décédé en 1882, au sujet de l’immense fortune léguée par ce dernier. Finalement, après plusieurs conventions, négociations et cessions, l’édifice Savage and Lyman échoit aux mains des petites-filles du défunt, Emily Louisa et Eliza Sarah Tiffin. Ces dernières vendent l’édifice en 1906. S’ensuit une série de ventes au cours desquelles on projette de démolir l’édifice et de construire un gratte-ciel de 10 étages. Le projet n’aboutit pas, et la propriété est finalement acquise en 1910 par MacKenzie Mann and Co. Ltd. Cette entreprise entreprend d’importants travaux de rénovations dont les résultats les plus visibles sont la transformation des espaces commerciaux en bureaux, et l’agrandissement de l’édifice vers l’arrière jusqu’à la ruelle en intégrant l’annexe construite en 1872. L’immeuble a maintenant l’apparence qu’on lui connaît aujourd’hui.
L’édifice est vendu de nouveau en 1914 au Canadien Nord, nationalisé par le gouvernement fédéral en 1917 et intégré au Canadien National. Ces entreprises ferroviaires installent dans l’édifice Savage and Lyman leurs services de messagerie, d’assurances, de télégraphie et d’édition. L’hôtel de ville de Ville Mont-Royal, une municipalité créée par la volonté du Canadien Nord, y occupe temporairement des locaux vers 1915. Le Canadien National conserve l’édifice pendant 50 ans avant de le vendre en 1962. Dès lors, l’édifice est occupé au rez-de-chaussée par le Pub Saint-Jacques et aux étages supérieurs par différentes entreprises liées au monde de la finance, de la comptabilité et de l’impression.
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